Les deux petits enfants
Je prendrai
par la main les deux petits enfants ;
Où les cerfs
tachetés suivent les biches blanches
Et se dressent
dans l'ombre effrayés par les branches ;
Car les fauves
sont pleins d'une telle vapeur
Que le frais
tremblement des feuilles leur fait peur.
Les arbres ont
cela de profond qu'ils vous montrent
Que l'éden
seul est vrai, que les coeurs s'y rencontrent,
Et que, hors
les amours et les nids, tout est vain ;
Théocrite
souvent dans le hallier divin
Crut entendre
marcher doucement la ménade.
C'est là que
je ferai ma lente promenade
Avec les deux
marmots. J'entendrai tour à tour
Ce que Georges
conseille à Jeanne, doux amour,
Et ce que
Jeanne enseigne à Georges. En patriarche
Que mènent les
enfants, je réglerai ma marche
Sur le temps
que prendront leurs jeux et leurs repas,
Et sur la
petitesse aimable de leurs pas.
Ils
cueilleront des fleurs, ils mangeront des mûres.
Ô vaste
apaisement des forêts ! Ô murmures !
Avril vient
calmer tout, venant tout embaumer.
Je n'ai point
d'autre affaire ici-bas que d'aimer.
Victor Hugo : L'Art d'être grand-père (1877)
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